jeudi 1 avril 2010

Fanny, autoentrepreneuse, raconte son calvaire

Ils sont déjà plus de 400 000 en France. Rançon du succès, l’autoentrepreneuriat est l’objet de fraudes. Les employeurs obligent ainsi des salariés à adopter ce statut. Une pratique illégale. Témoignage.

Très facile d’accès, le statut d’autoentrepreneur a déjà attiré plus de 400 000 candidats à la création de leur microsociété. Une source d’emplois non négligeable en cette période de . Problème : la fraude commence à gangrener le système. Des employeurs sans scrupules obligent en effet des salariés à adopter ce nouveau statut.

Cette pratique du salariat déguisé tombe sous le coup de la loi. Le secrétaire d’Etat au Commerce et à l’Artisanat, , annonce des sanctions. En attendant, nous livrons aujourd’hui le témoignage accablant d’une salariée victime du détournement du statut d’autoentrepreneur.
Fanny* arrive au rendez-vous, deux gros dossiers sous le bras. C’est l’heure de sa pause déjeuner.
Elle a beau avoir le statut d’autoentrepreneur, cette assistante commerciale chevronnée de 42 ans a les mêmes horaires que les quatre salariés de cette société de conseil et soutien en télémarketing où elle vient travailler tous les jours depuis mars 2009. « Sans avoir ni le niveau de salaire ni les avantages sociaux, et pourtant je recrute les salariés, je les forme, je fais de la téléprospection, je décroche des contrats… sans rien de plus en retour. »
« Dévouée et naïve », Fanny est payée en note d’honoraires, et facture ses services 15 TTC de l’heure, moins les charges. « Soit à peine plus que le par mois, sans congés payés ! Cela fait un an que mon patron me mène par le bout du nez et promet de m’embaucher en CDI. Je me suis fait avoir », lâche de plus en plus amère cette maman divorcée avec un enfant de 7 ans à charge. « C’est tout bénef pour lui : pas de charges à payer, pas de prime de précarité à verser, pas de paperasserie. Je me suis renseignée, c’est du salariat déguisé. Mais si je l’attaque, je perds la moitié de mes revenus. Et je n’aurai plus assez pour payer mes 1 450 de charges fixes par mois. » Licenciée fin 2007, cette VRP s’est retrouvée à Pôle emploi puis a enchaîné les CDD.
Début 2009, elle est recrutée en CDI dans une société de télémarketing. A peine le temps de faire sa période d’essai, l’entreprise met la clé sous la porte. Mais l’un des directeurs crée sa propre société de conseil en télémarketing, « dans une zone franche pour bénéficier des exonérations de charges ». Il convainc cette commerciale pleine d’entrain, et ne comptant pas ses heures, de le suivre. Seule condition : qu’elle se mette à son compte, sous le nouveau statut d’autoentrepreneur, en attendant de pouvoir l’embaucher. « Au bout de trois mois, m’avait-il promis. Je ne me suis pas posé de questions. L’agent de Pôle emploi m’a encouragée à me jeter à l’eau. J’ai fait mon inscription sur Internet, comme le disait la pub, et j’ai pris une bonne claque. »
Car sa vie d’autoentrepreneur a viré au cauchemar. « Regardez toutes ces lettres ! » s’exclame-t-elle en brandissant ses deux épais dossiers remplis de courriers administratifs « incompréhensibles ». « On fait croire aux gens que c’est simple comme un clic. Combien de chômeurs se font avoir ? On n’est pas formés pour faire face à tout ça. » Comme d’affronter des problèmes ubuesques avec l’Urssaf. « Je paye chaque trimestre mes cotisations. J’ai pourtant reçu une lettre fin décembre me disant que ma société avait été fermée le 5 mai 2009, soit un jour après sa création ! »
Sans parler de Pôle emploi, qui lui réclame aujourd’hui un trop-perçu de 2 800 ,l’enjoignant à rembourser le plus rapidement possible. « Je bénéficie de l’aide aux chômeurs créateurs d’entreprise , ça permet de cumuler une partie de mes allocations. C’est ce que m’a assuré l’agent de Pôle emploi. Selon lui, je n’aurais rien à rembourser ! J’ai peur que ça finisse mal. Je ne veux pas être obligée de devoir vendre un jour mon appartement pour payer mes dettes ! »
Et le calvaire n’est pas fini : hier, Fanny s’est présentée comme chaque matin à son travail. Les portes étaient closes. « J’ai appris que mon patron avait déménagé le bureau la veille au soir ! »
* Le prénom a été modifié.

Source : http://www.leparisien.fr