La loi de modernisation du marché du travail transforme en profondeur l'emploi des cadres et la rupture avec leur employeur. Détails des mesures avec Anne Armanet, juriste spécialiste du droit du travail.
Votre carrière devrait être modifiée en profondeur par une loi publiée au Journal Officiel le 28 juin 2008 et dont les effets commencent juste à se faire sentir. Cette loi, dite de modernisation du marché du travail, est décryptée, pour vous, par Anne Armanet, rédactrice en chef de la rédaction sociale de Francis Lefebvre, éditeur juridique spécialisé. Anne Armanet vient de coordonner un livre « Contrat de travail, les nouvelles règles » qui présente le nouveau paysage social après la loi de 2008. Cette loi présente deux réformes principales dont les conséquences sur la vie au travail des cadres sont sensibles : le CDD à objet défini et la rupture conventionnelle. D'autres mesures de second rang impacteront également les cadres.
Le contrat à durée déterminée et à objet défini
Ce qu'il est
« Ce contrat est une vraie nouveauté pour les cadres. D'une durée de 18 mois minimum et de trois ans maximum il est conclu pour que le salarié remplisse une mission bien précise, par exemple un chantier informatique nouveau chez un client », explique Anne Armanet qui ajoute « mais les entreprises ne peuvent le proposer que si un accord de branche (un secteur de l'économie) l'autorise explicitement ».
Est-il plus protecteur ?
« Ce CDD à objet défini sécurise moins les salariés que le CDD traditionnel. En effet, ce dernier ne pouvait être rompu par l'employeur qu'en cas de force majeure ou si le salarié commettait une faute grave. Le nouveau CDD à objet défini est de plus longue durée mais il peut être rompu plus facilement sans qu'il y ait eu de faute grave au bout de 18 mois puis au bout de deux ans pour une simple cause réelle ou sérieuse. Si son contrat va jusqu'à son terme, comme pour le CDD traditionnel, le salarié peut ensuite bénéficier d'un contrat à durée indéterminée (CDI) mais ça n'est pas une obligation pour l'employeur », souligne Anne Armanet.
Est-il plus intéressant financièrement ?
« Sur certains points seulement. Au salaire de base s'ajoute au terme du contrat une indemnité de 10% dite de précarité, comme pour les CDD traditionnels. Mais cette indemnité sera versée également en cas de rupture pour une cause réelle et sérieuse au bout de 2 ans et si le salarié se voit proposer un CDI à des conditions moins avantageuses que celles dont il bénéficiait pendant son CDD à objet défini », remarque Anne Armanet.
La rupture conventionnelle
Ce qu'elle est
« La rupture conventionnelle devient une troisième possibilité de rupture du contrat de travail avec le licenciement et la démission. La rupture conventionnelle est volontaire des deux côtés. L'employeur ne peut l'imposer au salarié et ce dernier ne peut exiger d'en bénéficier », indique Anne Armanet.
Dans quel cas est-elle intéressante ?
Elle bénéficie à plein aux cadres qui ont construit un projet de reconversion, par exemple dans la création d'entreprise. Avant de se lancer, ils peuvent négocier une rupture conventionnelle et, à la différence de la démission, bénéficier d'un certain capital de départ et d'un parachute de sécurité. « La rupture conventionnelle est indemnisée. Le salarié reçoit une indemnité de rupture qui ne peut pas être inférieure à l'indemnité légale de licenciement et qui comme cette dernière n'est pas assujettie aux cotisations de sécurité sociale ni imposable. C'est un minimum. Car le salarié peut négocier avec son employeur une somme supérieure pour son départ. De plus s'il ne commence pas immédiatement une autre activité il pourra, comme s'il avait été licencié, être indemnisé par les Assedic», explique Anne Armanet.
Quelle est la procédure à suivre ?
« Elle est un peu compliquée et a pour but de vérifier que le salarié fait vraiment une démarche volontaire et n'est pas poussé au départ par son employeur. Il y a tout d'abord plusieurs entretiens entre le salarié et l'employeur pendant lesquels ils vont négocier les conditions matérielles de la rupture. Les deux parties peuvent être assistées par un défenseur. Le salarié par exemple par un élu du personnel. En revanche, aucun avocat n'est admis à ce stade. Une fois le document de rupture conventionnelle signé, employeur et salarié ont 15 jours pour se rétracter. S'ils persistent dans leur volonté de rupture ils envoient la convention à la direction départementale du travail. L'administration dispose alors de 15 jours pour répondre faute de quoi la rupture est homologuée. Dernier recours du salarié qui finalement regretterait d'avoir signé, le conseil des prud'hommes », souligne Anne Armanet.
Les autres mesures
L'allongement de la période d'essai
« La période d'essai passe désormais à 4 mois pour les cadres renouvelable une fois alors qu'elle était le plus souvent de 3 mois auparavant. Sa durée doit être expressément prévue dans le contrat de travail. A la différence de la situation antérieure, désormais, l'employeur doit donner un préavis avant de mettre fin à la période d'essai. Il est de deux semaines après un mois de présence », relève Anne Armanet.
L'amélioration des indemnités de licenciement
« Auparavant, les indemnités n'étaient dues que si le salarié avait au moins deux ans d'ancienneté et étaient différentes selon que le licenciement était prononcé pour un motif économique ou un motif personnel. Désormais, la loi réduit la condition d'ancienneté à 1 an et prévoit une indemnité unique, identique pour tous. Elle est égale à 1/5° de mois de salaire par année de présence jusqu'à 10 ans de travail dans la même entreprise auxquels s'ajoutent 1/3 de mois par année supplémentaire au-delà de 10 ans. Ainsi par exemple après 16 ans d'ancienneté un salarié aura droit à une indemnité égale à 4 mois de salaire. Il ne s'agit là que d'un minimum. Les accords de branche ou d'entreprise peuvent prévoir des montant plus importants », souligne Anne Armanet.
La reconnaissance du portage salarial
« Le portage salarial est une nouvelle forme d'emploi ayant pour objectif de concilier les avantages du travail indépendant avec ceux du salariat. Cette formule utilisée par beaucoup de cadres seniors ayant du mal à retrouver un emploi salarié s'est développée en marge de la loi.
Grâce à la loi de modernisation du marché du travail, le portage salarial bénéficie désormais d'une reconnaissance légale, mais sans que son régime juridique soit encore bien défini, la mission d'organiser le portage salarial étant confiée à la branche du travail temporaire », conclut Anne Armanet.
Sources : latribune.fr